[>>>
L'article dans les archives du Figaro]

Le dernier sommet de Johannesburg
n'a pas été un échec. Avec le recul nécessaire, il apparaît que le
développement durable existe désormais formellement avec sa
définition, ses multiples facettes et sa transversalité qui fait
son originalité radicale. Il est clairement le point d'équilibre
recherché entre efficacité économique, protection de
l'environnement et équité sociale. Toutes ces questions ont été
partagées par des acteurs qui n'ont pas coutume d'être présents
dans ces enceintes internationales : les ONG, les collectivités
locales, les entreprises...
Mais ce sommet a été beaucoup plus
que cela : un nouveau départ et une prise de conscience. Notre
époque connaît un risque terrible, une menace d'anéantissement, le
spectre d'une mort écologique. Il aurait fallu que tous les chefs
d'État le déclarent, prononcent l'urgence, analysent la crise.
L'un d'entre eux l'a fait. C'est notre honneur. Il était agréable
d'être français à Johannesburg.
L'universel est notre vocation,
mais nous avions oublié d'en être les porte-parole. Le président
de la République Jacques Chirac a parlé, et du haut de ses
responsabilités a rappelé les nôtres. Il a prononcé le discours
que d'autres ont fui. Il a désigné le péril : « Notre maison
brûle ». Ces mots-là sont fondateurs. Ce ne sont pas les
premiers. Depuis des années, les interventions du président de la
République marquent et orientent les sommets internationaux. En
1996, au G 7 à Lyon ; en 1998 à Birmingham ; en 2000 à La Haye où
il lui faut d'ailleurs venir au secours de Dominique Voynet ; en
2001 à Gênes ; à Monterrey dernièrement...
Choisir l'environnement comme
priorité, c'est déclarer la voie moderne de la politique, c'est
pointer ce lien intime qui existe désormais entre ce qui peut
avoir lieu dans nos frontières et hors de nos frontières. Sans
abolir nos États-nations, le monde d'aujourd'hui, sur ces grands
thèmes de l'environnement et du développement, appelle une
appréciation nouvelle de l'échiquier international, une diplomatie
qui choisisse d'aller de l'avant, d'inventer, de s'inscrire dans
la logique d'une méthode qui privilégie recherche de l'efficacité,
collégialité et durée.
En cette matière, il faut imposer
une révolution tranquille. Après les déclarations du chef de
l'État, les mots résonnent désormais. Ils ont la puissance de la
conviction. Ils viennent de loin. Forts d'une écoute auprès des
experts, inscrits dans une réflexion philosophique moderne. Cette
nouvelle politique de l'environnement fait heureusement mentir le pres sentiment de Marcel Gauchet : « La droite a un refuge
naturel dans le pragmatisme, la gauche est condamnée à proposer un
avenir. »
Les questions posées par l'écologie
sont nombreuses et complexes. On y répond souvent par des
simplifications abusives, on recourt en cette matière par des «
simili-énoncés ». Certains s'érigent en un clergé de
l'environnement et n'imaginent pas qu'il puisse y avoir de vérité
hors de leur doxa. Les mêmes étaient à Saint-Jean-de-Monts
à se diviser lorsque les affaires de la planète se traitaient en
Afrique du Sud.
Le bilan de nos prédécesseurs n'est
pas très éclairant de cette volonté et de cette action qui sont
les idées-forces, les maîtres-mots, de notre gouvernement. Tout
bouge mais aime-t-on le changement ? Nous savons très bien que ce
moment, qui s'écrit depuis le début des années 70, est celui d'une
redéfinition des rapports de l'homme avec la nature, sa
réinscription dans la nature, d'une réévaluation des liens entre
la science, le progrès et ses conséquences sur notre
environnement. La tâche est immense puisqu'en un siècle la
population du monde aura quintuplé.
Ce que nous avons le plus à
redouter, c'est l'inertie. L'engagement pour les grandes causes
est le plus souvent celui d'un spectateur passif, consommateur,
pressé. Or, dans le choix de l'action et de la volonté, s'imprime
la nécessité d'organiser, ce que nous appellerions un ordre
mobile. Il faut chercher les étais d'une gouvernance mondiale,
mais nous en sommes loin, il faut poursuivre la construction
européenne, l'Europe une, l'Europe modèle, l'Europe exemplaire qui
assoit son pouvoir non sur des gesticulations de puissance mais
sur une pédagogie de civilisation, et nous sommes là au milieu du
gué.
L'écologie peut nous permettre de
réapprendre le monde, de réorganiser la mondialisation parce
qu'elle renvoie au « primordialisme » de l'homme. Ce n'est pas un
outil pour des calculs politiques, et les écologistes, pour
quelques effets de tribune, n'ont pas à choisir la gauche plutôt
que la droite.
Mais où est donc passé le discours
écologique des Verts, empêtrés qu'ils sont dans leurs choix
tactiques ?
Nous disons que l'on a trop
privilégié ces toutes dernières années le provisoire,
l'accidentel, le « mal nécessaire », que les grands chantiers
n'ont guère avancé (élimination des déchets, enfouissement des
lignes à haute tension, lutte contre le bruit...) et qu'il importe
de réapprendre à habiter la nature au lieu de vouloir la quitter.
L'action obéit à la géographie et si l'on veut qu'il y ait «
une grammaire politique », quelques principes doivent être
respectés : agir en pleine légitimité pour un monde qui cherche la
sécurité collective, quand la destruction de notre environnement
hypothèque notre avenir ; conduire le partage des richesses entre
nations défavorisées et pays riches, sinon il sera impossible
d'imposer une éthique véritable dans les négociations
internationales, et les États-Unis pourront continuer à échapper à
leurs engagements et Kyoto ne sera qu'un souvenir.
Nous n'avons pas pour tout cela de
solutions toutes faites, de prêt-à-penser écologique. Notre
première ambition, nécessaire mais probablement insuffisante, est
de relancer les travaux sur l'architecture internationale, sur la
gouvernance mondiale. Ce volet, dans toutes les négociations, est
en panne. La proposition du président de la République de créer un
conseil de sécurité économique et social est la première marche
indispensable. Il faut au-delà promouvoir la création
d'institutions internationales spécialisées, codifier les
procédures d'arbitrage pour mettre fin aux contentieux
internationaux qui ne peuvent être résolus par des instances
judiciaires nationales. L'OMC ne peut rester la seule organisation
qui fonctionne. La mise en place d'une organisation mondiale de
l'environnement est une urgence.
L'Union européenne est un
merveilleux outil. L'environnement, comme l'agriculture ou la
politique commerciale, doit pouvoir devenir une politique commune.
La fabrication de disciplines, de réglementations fera modèle pour
le reste du monde.
En France, le gouvernement a innové
en insérant la notion de développement durable dans l'intitulé
même de ses ministères. C'est une réelle avancée qui témoigne de
la sensibilité de notre majorité. Les ministres, au premier rang
desquels Roselyne Bachelot et Tokia Saïfi, travaillent en synergie
: éducation à l'environnement, rédaction de la charte de
l'environnement, la ville et la nature... Faisons-leur confiance
et donnons le temps nécessaire pour écrire les bilans.
Mais, pour la tâche qui nous
attend, le succès viendra d'abord de l'adhésion du plus grand
nombre. Nous croyons aux gens qui s'unissent. C'est ce mouvement
que nous allons mettre en oeuvre à l'Assemblée nationale et au
Sénat, mais aussi à l'UMP. Créer une synergie entre
parlementaires, élus locaux, experts, intellectuels, animateurs
d'ONG et d'associations. Les projets ne manquent pas. Il faut
briser les cercles vicieux et ensemble croire en l'action.
|