Valeurs et frontières politiques du développement durable
Le Figaro

Écologie : le choix de l'action
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET * ET SERGE LEPELTIER **

http://b.ecologie.free.fr

 

Le Figaro - mardi 8 octobre 2002

Créer une synergie entre élus, experts, intellectuels et animateurs d'ONG

 l'écologie humaniste 

[>>> L'article dans les archives du Figaro]

Le dernier sommet de Johannesburg n'a pas été un échec. Avec le recul nécessaire, il apparaît que le développement durable existe désormais formellement avec sa définition, ses multiples facettes et sa transversalité qui fait son originalité radicale. Il est clairement le point d'équilibre recherché entre efficacité économique, protection de l'environnement et équité sociale. Toutes ces questions ont été partagées par des acteurs qui n'ont pas coutume d'être présents dans ces enceintes internationales : les ONG, les collectivités locales, les entreprises...

Mais ce sommet a été beaucoup plus que cela : un nouveau départ et une prise de conscience. Notre époque connaît un risque terrible, une menace d'anéantissement, le spectre d'une mort écologique. Il aurait fallu que tous les chefs d'État le déclarent, prononcent l'urgence, analysent la crise. L'un d'entre eux l'a fait. C'est notre honneur. Il était agréable d'être français à Johannesburg.

L'universel est notre vocation, mais nous avions oublié d'en être les porte-parole. Le président de la République Jacques Chirac a parlé, et du haut de ses responsabilités a rappelé les nôtres. Il a prononcé le discours que d'autres ont fui. Il a désigné le péril : « Notre maison brûle ». Ces mots-là sont fondateurs. Ce ne sont pas les premiers. Depuis des années, les interventions du président de la République marquent et orientent les sommets internationaux. En 1996, au G 7 à Lyon ; en 1998 à Birmingham ; en 2000 à La Haye où il lui faut d'ailleurs venir au secours de Dominique Voynet ; en 2001 à Gênes ; à Monterrey dernièrement...

Choisir l'environnement comme priorité, c'est déclarer la voie moderne de la politique, c'est pointer ce lien intime qui existe désormais entre ce qui peut avoir lieu dans nos frontières et hors de nos frontières. Sans abolir nos États-nations, le monde d'aujourd'hui, sur ces grands thèmes de l'environnement et du développement, appelle une appréciation nouvelle de l'échiquier international, une diplomatie qui choisisse d'aller de l'avant, d'inventer, de s'inscrire dans la logique d'une méthode qui privilégie recherche de l'efficacité, collégialité et durée.

En cette matière, il faut imposer une révolution tranquille. Après les déclarations du chef de l'État, les mots résonnent désormais. Ils ont la puissance de la conviction. Ils viennent de loin. Forts d'une écoute auprès des experts, inscrits dans une réflexion philosophique moderne. Cette nouvelle politique de l'environnement fait heureusement mentir le pres sentiment de Marcel Gauchet : « La droite a un refuge naturel dans le pragmatisme, la gauche est condamnée à proposer un avenir. »

Les questions posées par l'écologie sont nombreuses et complexes. On y répond souvent par des simplifications abusives, on recourt en cette matière par des « simili-énoncés ». Certains s'érigent en un clergé de l'environnement et n'imaginent pas qu'il puisse y avoir de vérité hors de leur doxa. Les mêmes étaient à Saint-Jean-de-Monts à se diviser lorsque les affaires de la planète se traitaient en Afrique du Sud.

Le bilan de nos prédécesseurs n'est pas très éclairant de cette volonté et de cette action qui sont les idées-forces, les maîtres-mots, de notre gouvernement. Tout bouge mais aime-t-on le changement ? Nous savons très bien que ce moment, qui s'écrit depuis le début des années 70, est celui d'une redéfinition des rapports de l'homme avec la nature, sa réinscription dans la nature, d'une réévaluation des liens entre la science, le progrès et ses conséquences sur notre environnement. La tâche est immense puisqu'en un siècle la population du monde aura quintuplé.

Ce que nous avons le plus à redouter, c'est l'inertie. L'engagement pour les grandes causes est le plus souvent celui d'un spectateur passif, consommateur, pressé. Or, dans le choix de l'action et de la volonté, s'imprime la nécessité d'organiser, ce que nous appellerions un ordre mobile. Il faut chercher les étais d'une gouvernance mondiale, mais nous en sommes loin, il faut poursuivre la construction européenne, l'Europe une, l'Europe modèle, l'Europe exemplaire qui assoit son pouvoir non sur des gesticulations de puissance mais sur une pédagogie de civilisation, et nous sommes là au milieu du gué.

L'écologie peut nous permettre de réapprendre le monde, de réorganiser la mondialisation parce qu'elle renvoie au « primordialisme » de l'homme. Ce n'est pas un outil pour des calculs politiques, et les écologistes, pour quelques effets de tribune, n'ont pas à choisir la gauche plutôt que la droite.

Mais où est donc passé le discours écologique des Verts, empêtrés qu'ils sont dans leurs choix tactiques ?

Nous disons que l'on a trop privilégié ces toutes dernières années le provisoire, l'accidentel, le « mal nécessaire », que les grands chantiers n'ont guère avancé (élimination des déchets, enfouissement des lignes à haute tension, lutte contre le bruit...) et qu'il importe de réapprendre à habiter la nature au lieu de vouloir la quitter. L'action obéit à la géographie et si l'on veut qu'il y ait « une grammaire politique », quelques principes doivent être respectés : agir en pleine légitimité pour un monde qui cherche la sécurité collective, quand la destruction de notre environnement hypothèque notre avenir ; conduire le partage des richesses entre nations défavorisées et pays riches, sinon il sera impossible d'imposer une éthique véritable dans les négociations internationales, et les États-Unis pourront continuer à échapper à leurs engagements et Kyoto ne sera qu'un souvenir.

Nous n'avons pas pour tout cela de solutions toutes faites, de prêt-à-penser écologique. Notre première ambition, nécessaire mais probablement insuffisante, est de relancer les travaux sur l'architecture internationale, sur la gouvernance mondiale. Ce volet, dans toutes les négociations, est en panne. La proposition du président de la République de créer un conseil de sécurité économique et social est la première marche indispensable. Il faut au-delà promouvoir la création d'institutions internationales spécialisées, codifier les procédures d'arbitrage pour mettre fin aux contentieux internationaux qui ne peuvent être résolus par des instances judiciaires nationales. L'OMC ne peut rester la seule organisation qui fonctionne. La mise en place d'une organisation mondiale de l'environnement est une urgence.

L'Union européenne est un merveilleux outil. L'environnement, comme l'agriculture ou la politique commerciale, doit pouvoir devenir une politique commune. La fabrication de disciplines, de réglementations fera modèle pour le reste du monde.

En France, le gouvernement a innové en insérant la notion de développement durable dans l'intitulé même de ses ministères. C'est une réelle avancée qui témoigne de la sensibilité de notre majorité. Les ministres, au premier rang desquels Roselyne Bachelot et Tokia Saïfi, travaillent en synergie : éducation à l'environnement, rédaction de la charte de l'environnement, la ville et la nature... Faisons-leur confiance et donnons le temps nécessaire pour écrire les bilans.

Mais, pour la tâche qui nous attend, le succès viendra d'abord de l'adhésion du plus grand nombre. Nous croyons aux gens qui s'unissent. C'est ce mouvement que nous allons mettre en oeuvre à l'Assemblée nationale et au Sénat, mais aussi à l'UMP. Créer une synergie entre parlementaires, élus locaux, experts, intellectuels, animateurs d'ONG et d'associations. Les projets ne manquent pas. Il faut briser les cercles vicieux et ensemble croire en l'action.

* Députée de l'Essonne (UMP), ** Sénateur du Cher (UMP).